CONDITION

5e

CONDITION

La première CONDITION pour s’engager dans cette leçon, très abstraite et réservée aux plus grands élèves, est de s’assurer qu’ils distinguent bien :

1. le conditionnel, présent et passé, du futur et du futur antérieur, surtout à la première personne du singulier où il faut bien éduquer l’oreille à opposer [é] fermé à [è] ouvert, je parlerai à je parlerais. Pour les autres personnes, c’est facile, les marques sont nettes : tu parleras/tu parlerais – il parlera/il parlerait – nous parlerons/nous parlerions vous parlerez/vous parleriez – ils parleront /ils parleraient. Il serait bon aussi qu’ils soient conscients que les désinences du conditionnel sont les mêmes que celles de l’imparfait de l’indicatif et que ces deux séries ont des affinités, qu’elles fonctionnent ensemble (s’il faisait beau, je sortirais).

2. le subjonctif de l’indicatif. Pour cela, les choses ne sont nettes que pour les verbes du troisième groupe, peu nombreux mais, heureusement, très fréquents, qui ont des marques distinctes à toutes les personnes. Pour les autres verbes, l’opposition ne porte que sur la première et la deuxième personnes du pluriel, qui ne sont pas les plus fréquemment employées : nous parlons/que nous parlions - vous parlez/que vous parliez. Par conséquent, dans les cas où le subjonctif est obligatoire, il faudra, pour plus de clarté, suggérer des exemples où les élèves seront amenés à employer des verbes du 3e groupe.

Il est évident que le mot par excellence qui exprime la condition est la conjonction de subordination SI. L’expression de la condition est essentiellement syntaxique. Mais elle peut dans certains cas être verbale avec supposer ou nominale, avec deux mots savants, condition, d’origine latine et HYPOTHÈSE d’origine grecque, et un petit mot populaire très usuel : CAS. Puisque nous distinguons vocabulaire de grammaire, sans toutefois les séparer, nous nous efforcerons de délimiter les cas où ces mots lexicaux peuvent se substituer aux divers systèmes syntaxiques du type [Si + proposition subordonnée > proposition principale].

Scénario 1 : Des alpinistes demandent à un guide de montagne de les conduire au somment du Mont Blanc Celui-ci pose ses conditions : “Si vous êtes bien entrainés, si votre équipement est convenable, si vous  acceptez le forfait comprenant mes services et l’hébergement dans les refuges, si vous avez le courage de vous trouver tout équipés à 4 heures du matin au point P, alors oui, mercredi prochain, nous commencerons l’ascension”. Les alpinistes acceptent les conditions du guide, qui sont formulées, dans la proposition subordonnée, au présent de l’indicatif. Ils ont conclu avec le guide une sorte de contrat. Les uns et les autres sont tournés vers une action future qui, tout naturellement, est exprimée au futur de l’indicatif et a de fortes chances de se réaliser. Mais le guide ajoute : “A condition qu’il fasse beau !” (au subjonctif).

À cela, ils ne peuvent rien. Pas question de poser et d’accepter des conditions. Ils sont dans la pure hypothèse. Autres formulations : “Dans l’hypothèse / au cas où la météo serait défavorable nous resterions dans la vallée” (Dans ce cas, les deux verbes sont au conditionnel). “Supposons que la météo soit mauvaise” (subordonnée au subjonctif) “Dans ce cas, nous ne partirions pas” (indépendante au conditionnel). Pour dire la même chose, deux phrases commençant par si sont possibles : “Si la météo est mauvaise nous ne partirons pas” (présent de l’indicatif et futur de l’indicatif) ou “si la météo était mauvaise nous ne partirions pas” (imparfait de l’indicatif et conditionnel). Pratiquement, qu’il emploie une tournure ou une autre, le guide dit la même chose. Les noms condition et hypothèse sont-ils pour autant synonymes ? Dans le cas présent, la tournure avec condition est tournée vers la réalisation de l’action projetée. La tournure avec hypothèse vers sa non réalisation. Premier signe de leur différence. Nous en trouverons d’autres.

Scénario 2 : Dans son lit, pendant une insomnie, sans interlocuteur possible, l’individu A roule dans sa tête un grand projet : changer de voiture. Il formule diverses hypothèses et examine les conditions de leur réalisation “j’aimerais bien une Mercedes neuve, mais elles sont très chères”. Tiens, un conditionnel tout seul dans une proposition indépendante ! En fait, il n’est pas tout seul dans la tête de Monsieur A qui sous-entend “si c’était possible”. Il continue : “Pour que je puisse l’acheter, il faudrait que j’obtienne une grosse augmentation de salaire”. Cette phrase qui comporte un verbe principal au conditionnel et deux verbes subordonnés au subjonctif n’est qu’une transformation expressive de la phrase basique “si j’obtenais une grosse augmentation de salaire, je pourrais l’acheter”, autrement dit “je pourrais l’acheter à condition d’obtenir une grosse augmentation de salaire” (après à condition, l’infinitif se substitue au subjonctif, l’agent de l’infinitif étant le même que le sujet du verbe au conditionnel). “Mais c’est peu probable. Alors ? Une Clio neuve ou une Mercedes d’occasion ? ” Il réfléchit. “Si on achète une voiture d’occasion, c’est beaucoup moins cher mais il faut bien l’essayer pour voir si elle n’a pas de défaut caché tandis que si on achète une voiture neuve, elle est garantie, c’est plus sûr”. Tiens, une nouveauté ! Dans les deux systèmes [si + subordonnée > principale] tous les verbes sont au présent de l’indicatif, y compris celui de la principale. Pourquoi ? parce que Monsieur A énonce une vérité générale, universellement vraie, sans perspective précise d’action future particulière. On peut y substituer la tournure par dans l’hypothèse et au cas où mais pas à condition de. “Mon garagiste m’inspire confiance. Il faudrait (conditionnel) que je lui demande (subjonctif) ce qu’il a à me proposer comme voitures d’occasion”. Tiens, pourquoi, dans la principale, emploie-t-il le conditionnel faudrait et pas le futur faudra ? Parce qu’il n’est pas vraiment sûr d’avoir envie d’une voiture d’occasion ni de poser la question au garagiste. Ce conditionnel sous-entend “si je le voulais vraiment”. Il poursuit : “S’il avait / dans l’hypothèse/au cas où il aurait une Mercedes d’occasion, je ne la prendrais qu’à condition qu’elle n’ait pas trop de kilomètres et n’ait jamais eu d’accident. Sinon/ s’il n’en a pas de telle/dans le cas contraire, je prendrai (futur) une Clio”. Et ça y est, il est décidé. Il sait ce qu’il fera.

Scénario 3 : “La catastrophe évitée”

L’individu A raconte ses vacances : “j’étais en Thaïlande au bord de la mer, à Phuket, au moment du grand tsunami. Si j’étais resté (plus que parfait de l’indicatif) à me bronzer sur la plage ce jour-là, j’aurais été emporté (conditionnel passé) par la grosse vague, et aujourd’hui, moi qui vous parle, je serais au fond de la mer, mangé par les poissons. Mais des amis m’avaient invité à faire une excursion vers l’intérieur. Je n’en avais pas envie, j’ai accepté pour leur faire plaisir et c’est cela qui m’a sauvé”.

Scénario 3 bis : “Le temps des regrets”

L’individu A, sur son lit d’hôpital, sous assistance respiratoire, a la visite d’un ami auquel il parle difficilement : “Eh oui, mon cher, le cancer du poumon, ce n’est pas drôle. On m’a opéré mais je ne suis pas sûr de m’en tirer. Ah ! si j’avais moins fumé, (plus que parfait de l’indicatif) je n’aurais pas attrapé cette sale maladie (conditionnel passé) et aujourd’hui, je serais (conditionnel présent) debout comme toi, mais je n’ai jamais réussi à me passer de mes cigarettes”.

Essayez de substituer une tournure impliquant le mot condition. Vous verrez que c’est impossible parce que nous sommes complètement dans l’irréel du passé (plus que parfait et conditionnel passé) ou dans l’irréel du présent (conditionnel) où aucune action possible n’est envisageable. Au contraire, dans le scénario n°1, l’action envisagée est “potentielle”, elle a des chances de se réaliser, alors que dans le scénario n° 2 on balance entre l’ “irréel du présent” (si j’avais une augmentation de salaire aujourd’hui, [mais ce n’est pas le cas] j’achèterais une Mercedes) et le “potentiel” (si j’avais une augmentation de salaire demain [qui sait ?] j’achèterais etc.)

On voit clairement par ces exemples qu’avec l’hypothèse, la supposition, le cas où… on ne sort pas de l’imaginaire, tandis que la condition est conçue comme la cause possible d’une action envisagée. Et aussi que le mode conditionnel porte mal son nom et devrait plutôt se dire HYPOTHÉTIQUE car il exprime beaucoup plus l’hypothèse que la condition, le plus souvent exprimée par l’indicatif.

Il serait bien intéressant d’étudier le mot cas, très polysémique et qui ne sert pas uniquement à exprimer l’hypothèse. Mais je crois que ce sera pour une autre fois.

Pour la première séance, il me semble que ce serait déjà assez occupant de commenter les trois scénarios ci-dessus (ou d’autres de votre composition) et, pour la seconde, d’en faire imaginer du même genre par les élèves, et de leur faire reformuler leurs conditions et hypothèses de toutes les manières possibles.
 

 

pour aller plus loin

article Vocalire
   

 

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