Protocole de travail
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QUATRE ÉTAPES PAR MOT
Ce protocole se décline en quatre étapes principales, chacune pouvant donner lieu à une ou plusieurs séances, selon le niveau de la classe, la capacité d'attention des élèves et l'emploi du temps. L'ordre est important ainsi que de n'en sauter aucune.
1. La collecte des mots, la première catégorisation, le "grand déballage"
Elle est consacrée à la recherche des mots associés, avec l'aide du maître, et à une première catégorisation qui pourra dès cette étape être fondée, implicitement ou explicitement, selon le niveau, sur la grammaire, ou pas. Les relances de l'enseignant peuvent porter sur « Autour d'un verbe, lesquels des mots trouvés peuvent servir de sujet, ou d'objet, ou de complément circonstanciel ? Quels adjectifs peuvent qualifier tel nom ?, etc. » On obtient des listes de mots pour lesquelles il est intéressant de rechercher un terme ou une locution générique, après diverses recherches de regroupements tâtonnés. L'appui sur « Vocalire » est une aide précieuse (notamment pour exploiter au mieux le repérage de la dérivation morphologique).
Des traces écrites variées, individuelles ou collectives, réalisées par l'enseignant ou les élèves, sont utiles à partir de l'élémentaire, voire nécessaires, pour la suite du travail. On cherchera la meilleure forme de traces en maternelle, elle peuvent être liées à des activités orales répétées pour être intégrées.
2. Assouplissement lexical et manipulation de phrase
Elle est consacrée à la construction de phrases et à leur manipulation, notamment par l'utilisation des dérivés et des synonymes toujours porteurs d'une nuance nouvelle. Comment dire autrement ce que tu viens de dire ? Est-ce tout à fait la même chose ? Non, telle formule est plus écrite, telle autre plus familière … Laquelle est la meilleure, la plus élégante ? etc. Emergent également d'autres environnements sémantiques, le sens figuré, etc. Une trace écrite est utile pour la suite.
3. Imprégnation, application et usage
Elle permet l'imprégnation, le réinvestissement et l'usage de diverses manières. Elle peut être consacrée à la rédaction par les élèves d'un petit texte de quelques phrases, utilisant le matériau lexical et syntaxique travaillé pendant les deux séances précédentes et éventuellement à la lecture publique de quelques uns de ces textes. Avec les plus jeunes ou les élèves qui maîtrisent mal la langue, on pourra proposer des jeux oraux autour des mots précédemment découverts (mime, improvisation, jeux de rôle…).
4. Partage culturel et intertextuel
Elle peut être consacrée à l'étude critique des textes produits, au redressement des gaucheries, à la mise en valeur des meilleures formules, à la lecture de quelques textes littéraires sur le même sujet, aux commentaires d'images associables au sujet, bref déboucher sur un espace de culture générale intertextuelle.
L'articulation qui précède constitue un cadre général. Elle peut et même doit faire l'objet d'ajustements divers en fonction des réalités de la classe.
Ressources bibliographiques pour la préparation des séances
Ce protocole de travail repose sur l'exploitation du Dictionnaire du français usuel (DFU) de J. Picoche et J.-C. Rolland, éditions De Boeck, Bruxelles, 2002 (épuisé, disponible en version PDF). Cette œuvre regroupant près de 15 000 vocables sous 442 entrées est conçue essentiellement comme un outil d'aide à l'enseignement du vocabulaire. Les auteurs ont produit une version réduite, Vocalire regroupant 7 500 vocables sus 378 entrées, disponible en version papier et numérique.
Quelques entrées en accès libre et gratuit sont disponibles sur ce site (voir tableaux).
Travaillons sur les colocations sémantiques
Emparons-nous d'un bon gros verbe bien fréquent, remplissons les places vides autour de lui : nommons les mots et qualifions-les. N'importe quel nom ne fonctionne pas avec n'importe quel verbe !
Faisons ainsi des permutations dans une phrase. Par exemple, prenons le verbe « apprendre » : disons qu'un “agent” (sujet) apprend un “objet” (COD) à un “destinataire” (COI). Selon que l'objet désigné est la natation, la mécanique, ou les mathématiques, l'agent désigné devient un maitre nageur, ou un formateur, ou un professeur, et le destinataire désigné un élève ou un apprenti ; l'agent est bon ou mauvais pédagogue, le destinataire est docile, attentif, motivé ou le contraire, etc. On voit à quel point la pratique de permutations de l'un ou l'autre des mots va induire ensuite le changement potentiel des autres !
Travaillons sur les dérivés
Transformez une phrase de base par des nominalisations, et voilà les dérivés qui surgissent.
Par exemple, prenons le mot « changer » : Les feuilles « changent » de couleur en automne – l'automne fait « changer » la couleur des feuilles ce « changement » de couleur est une fête pour les yeux – selon la saison, la couleur des feuilles est « changeante »… et si, au cours des manipulations, on aborde les synonymes transformer, métamorphoser, on découvrira d'autres dérivés nominaux et adjectivaux et on pourra même révéler aux plus grands élèves que –form- est d'origine latine et –morph- d'origine grecque…
Travaillons sur les "familles de mots"
Par exemple, avec les jeux des préfixes et des suffixes habiller, déshabiller, rhabiller, habillage et le contraste entre radicaux populaires et radicaux savants eau, aquatique, hydrophile. Dans ce domaine, il existe de nombreuses propositions utilisables dans des manuels déjà existants ou des ouvrages pédagogiques de qualité.
Un exemple vivant : manger
Dans la première séance, le verbe manger amène rapidement un grand déballage de mots associés, parmi lesquels le maitre commence à introduire un peu d'ordre en les écrivant au tableau : verbes substituables à manger, noms de repas, noms d'aliments, etc. pour préparer la 2e séance qui peut se présenter ainsi : le maitre écrit au tableau une phrase très simple comme Jean mange une pomme. Question : Quels mots du même genre peut-on substituer à chacun des mots de cette phrase ? Réponse possible : Les convives dégustent un gigot et une tarte aux fraises. D'où une multitude d'autres questions. Que signifie le nom convives ? Quelle différence y a-t-il entre manger et déguster ? Est-ce que je pourrais dire je déguste un album de disques ou une bande dessinée ? Ce ne sont pourtant pas des choses comestibles. Oui ? Non ? Si oui, pourquoi ai-je choisi ce verbe ?
Essayez de dire ce que font les convives en employant le nom repas. Réponse possible : "Le repas des convives se compose d'un gigot et d'une tarte aux fraises". Voilà qui est beaucoup plus écrit ! Un autre niveau de langage. Et ce gigot, cette tarte ou la pomme, qu'est-ce que c'est, d'une façon générale ? Réponse : des aliments, de la nourriture… Et si on travaillait un peu sur les compléments circonstanciels ? Pourquoi les convives mangent-ils ? Parce qu'ils ont faim et même une faim de loup. Dans quel but ? Pour se nourrir. A quel moment ? à midi, à l'heure du déjeuner. A quel endroit ? Au restaurant. Au moyen de quoi ? D'un couteau et d'une fourchette… etc. On aperçoit qu'en travaillant ainsi, les élèves assimileront plus facilement les fonctions grammaticales de sujet, de complément d'objet, et de complément circonstanciel. On retrouve ici la grande proximité entre vocabulaire et grammaire.
D'autres exemples concrets d'activités menées en classe, sont disponibles dans les fiches témoin proposées dans ce site.-