AIMER
A aime B. A est un être animé, le plus souvent humain (encore que les chiens sont supposés aimer leur maitre et que les vaches aiment le tourteau de betterave). Mais B ? une multiplicité de B est possible ! La polysémie du verbe aimer repose sur l’extrême variété de ses compléments d’objet selon une gradation qui va d’aimer la glace à la vanille, à aimer son prochain comme soi-même. Les points forts de cette gradation sont marqués par la possibilité d’ajouter à aimer l’adverbe bien, de lui substituer le verbe PLAIRE et de le nominaliser par toute une gamme de substantifs allant du PLAISIR à l’AMOUR PASSION (antonyme la HAINE) en passant par la SYMPATHIE, l'AMITIÉ, la TENDRESSE, l'AFFECTION.
Particulièrement intéressante est la substitution de plaire à aimer, parce qu’elle impose des transformations de phrases, le COD d’aimer devenant le sujet de plaire. Et on remarquera que cette substitution ne correspond que partiellement avec l’usage possible de bien. Ex. j’aime (bien) cette chanson cette chanson me plait ; j’aime (bien) me promener ça me plait de me promener, j’ai du plaisir à me promener; j’aime (bien) mes amis, ma tante Ursule. Mais vous ne direz pas, ou difficilement, selon les cas, mes amis, ma tante Ursule me plaisent.
Et quand vous passez à l’amour de Phèdre pour Hippolyte, de Roméo et de Juliette, ou de Philémon et Baucis (renseignez-vous sur ce couple antique), ni plaire ni bien ne conviennent plus, ils sont trop faibles, parce qu’il s’agit d’amour-passion ou d’un solide amour conjugal, filial, paternel, maternel… qui engagent au moins théoriquement toute la vie pas seulement sexuelle, ÉROTIQUE des sujets. Il faut aussi envisager le cas où B, le COD, n’est pas PLAISANT et peut même être franchement DÉPLAISANT. Ex. Le médecin aime ses malades. Il s’agit d’un amour désintéressé, de sympathie pour quiconque souffre, que d’aucuns appellent PITIÉ ou MISERICORDE (voir l’étymologie de ces trois derniers mots).
Et pour les mordus de mythologie et d’histoire des idées, on pourrait parler de l’opposition entre Eros et Agapè, Eros et Thanatos…