Le vocabulaire et la question du dictionnaire
difficultés d’apprentissage
Depuis 30 ans, et malgré les diverses formulations, les programmes et recommandations institutionnelles concernant l’utilisation du dictionnaire ont en vérité peu varié et visent essentiellement l’apprentissage de la recherche alphabétique, de l’exploration d’une signification selon les contextes sémantiques et de la vérification orthographique. Ils constituent donc moins des outils d’apprentissage encyclopédique que lexical et constituent moins des outils pour les élèves que pour les lettrés.
A l’école, l’utilisation du dictionnaire s’avère en effet restreinte et rare. D’autant plus que le maniement représente pour des nombreux élèves une sorte de tourment. En effet, rechercher un mot mal connu présente une quantité de pièges : un mot polysémique impose la lecture de significations variées, et il est probable que le lecteur aura oublié le contexte dans lequel il doit réintégrer le sens juste enfin trouvé, avant même d’arriver au bout de la lecture d’un article. Pire, cet article, pour être précis, propose une définition condensée, utilisant par ailleurs des exemples tirés de la littérature, contenant à leur tour des mots inconnus… Faut-il repartir à la chasse pour ceux-là afin de comprendre la définition initialement cherchée ? Chaque recherche est une mise en abime qui s’avère plus que rébarbative, définitivement paralysante, notamment pour les non littéraires.
L’initiative de Alain Bentolila dans « Leçon de mots » au sein du CIFODEM vise à une pratique alternative dans laquelle les élèves partagent oralement leurs représentations autour d’un mot, pour débattre ensuite de ses significations. Le retour ultime vers le dictionnaire, comme arbitre légitime semble plutôt réservé aux grandes classes et au collège.
Pourtant, et afin de donner une idée de la diversité et de la richesse qui est mise à la disposition des enseignants et des élèves en matière de dictionnaires, on pourra consulter le site les-dictionnaires.com.
Au sein de Vocanet, les références impératives restent le DFU et Vocalire.
Difficulté liées à l’apprentissage du vocabulaire
En collaboration avec Guy Denhières (CNRS) à qui nous devons d’avoir ouvert quelques pistes d’observation liées à l’apprentissage spontanée du vocabulaire, nous avons pu repérer et recenser auprès d’élèves de l’académie de Paris, en élémentaire, du CP au CM2 les difficultés que voici.
La connaissance du monde liée à la culture média
Si l’on demande à un élève ce que veut dire le mot inondation, et même si on lui propose des mots pour l’aider comme tsunami ou volcan sous-marin, on obtient des réponses du type Je connais, j’ai déjà vu à la télévision, mais sans pouvoir donner des précisions, puisque le concept n’est pas acquis. Parfois un mot est même totalement détourné de sa signification par un contenu télévisuel ou par le biais d’internet. Par exemple, si des enfants sont capables d’indiquer que cobra est un serpent venimeux, d’autres font référence à une série télévisée !
Les mots-racines et leur dérivation
Les élèves ne reconnaissent pas bien les liens existants entre mots-racines et leurs dérivations. Ils disent par exemple ne pas connaître les mots gain et soustraire, mais ils peuvent répondre pour gagner et soustraction. Le mot astronomie n’est pas connu et astronaute est défini comme un monsieur avec un casque qui va dans la lune. Ceci pose le problème du terme à acquérir , au cours de l’apprentissage : mot racine, et/ou formes fléchies ou dérivées.
Les mots-bipolaires
Ce sont des mots qui se caractérisent en général par une opposition : soustraction/addition, victime/agresseur, précédent/suivant, et même les couples lourd/léger, beau/laid, vide/plein, etc. Ils ont un ordre d’acquisition chronologique : addition s’acquiert avant soustraction ; agresseur s’apprend avant témoin mais après victime, etc. Ceci invite à réfléchir aux liens qu’on peut créer lors de l’apprentissage : on retient bien les couples, donc quitte à connaître l’un des deux termes, autant faire découvrir sans attendre ceux qui l’accompagnent habituellement.
Les confusions sémantiques
Le mot grondement (un bruit sourd, comme le grondement de l’orage) est massivement confondu avec gronderie, beaucoup moins fréquent, car évoqué par le verbe gronder.
Les assonances et consonances
Les mots irriter, colossal, présage sont majoritairement inconnus. De nombreux élèves interrogés proposent des définitions de termes phonétiquement similaires : imiter pour irriter; sale et/ou collé pour colossal, (très) sage pour présage. On constante que les élèves cherchent bien à tort des liens sémantiques, en s’appuyant sur la proximité phonologique.
Les marqueurs de causalité, les petits mots fonctionnels de la langue
Parce que qui indique une relation de causalité : dire pourquoi, pour quelle raison, pour quel motif, ...est difficilement compris par les plus jeunes. Il faut attendre le cours moyen pour un usage adapté, et encore pas par tous les élèves, mais seulement par une partie d’entre eux.
Les homographes et homophones
Le mot ancre (le marin a jeté l’ancre) est moins connu que encre (mon imprimante n’a plus d’encre) ; le mot compte (le commerçant vérifie ses comptes), est moins connu que conte (lis-moi un conte) …
Dans notre prochaine Lettre nous nous intéresserons aux pratiques à éviter en classe.
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